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Art & autres / Culture

Un après-midi dans la beauté du verre …

Mardi 13 juin 2017

Un après-midi dans la beauté du verre …

J’ai débuté mon mois d’avril avec une super exposition dont j’avais appris l’existence via un carré de quelques mots dans un coin du journal 20 Minutes la veille. Au Bastille Design Center, un bâtiment industriel du XIXe siècle, j’ai découvert le projet artistique nommé « #LaMemePassion » où des artisans français (couronnés meilleurs ouvriers de France) ont aidé des jeunes apprentis à donner vie à des tweets. De « Rendre les gens heureux grâce à des fleurs, c’est magique » sur une installation mêlant végétal et lumière au « Dans la peinture rien n’est insurmontable » peint au pochoir mais qui ne se lisait qu’à travers un miroir cylindrique en passant par une sculpture en chocolat, une gravure dans le bois ou une installation lumineuse très technique, il y avait de quoi en prendre plein les yeux.

Au milieu de ces mots passés du virtuel de l’oiseau Twitter à d’impressionnantes œuvres d’art, une création m’a particulièrement touchée. « Je laisse parler mon âme artistique à travers les couleurs du verre », dans un mélange de bleus et sous une lumière diffuse qui s’intensifiait ici et là par moment pour donner encore plus de puissance à l’installation en verre. Un vitrail moderne et rempli de vie. A qui je ne peux malheureusement pas rendre vraiment justice en photo …

Soyons honnêtes un instant, peu sont les gens qui ne vont pas penser aux églises quand ils entendent le mot « Vitraux ». C’est vrai qu’on a pas spécialement été habitués à en croiser dans beaucoup d’autres endroits ni à en voir de nombreux très modernes, qui nous montrent autre chose que des scènes religieuses. Encore que beaucoup d’églises commencent à innover de ce côté-là (notamment à Provins ou à la cathédrale de Reims).

Mais en fait, Dieu n’a pas le monopole et on peut trouver des œuvres totalement décalées, modernes, étonnantes, etc. ! Cool non ? (Cela dit je n’ai rien contre les vitraux religieux, je tiens à le préciser. Et c’est un travail de fou !)

Et comme quand quelque chose m’interpelle/me touche/me plaît, j’ai envie d’en savoir plus, d’en découvrir plus et surtout de rencontrer les gens qui se cachent derrière … J’ai forcément pris contact avec la personne qui a créé cette œuvre de verre : Anaëlle Pann. Et comme je suis gourmande quand il s’agit d’art (et curieuse tout court), je lui ai demandé de passer l’après-midi avec elle. Et comme elle est super sympa, elle m’a accueilli les bras ouverts !

Rendez-vous pris un dimanche après-midi pluvieux dans le 14e arrondissement de Paris. En chemin, je croise quelques ateliers d’artistes, charmant quartier rempli de créativité. Et me voilà devant celui qu’elle occupe en compagnie d’autres personnes talentueuses qui manipulent toutes le verre avec passion. On peut déjà admirer leur travail depuis la rue, à travers les vitrines, et rentrer à l’intérieur pour acheter si le cœur nous en dit.

A mon arrivée, ambiance intimiste : elle a fait sauter les plombs quelques minutes avant (comment ça je l’affiche publiquement ? Moi ? Mais non, on est entre nous voyons!) Et après avoir retrouvé la lumière quelques minutes plus tard, on commence par les présentations. Je fais la connaissance d’Harry, le plotter (qui se prononce « plotteur », Harry … Plotter … Je ne vous fais pas de dessin pour comprendre. J’aime la référence !), machine qui permet de découper des matières adhésives (comme le vinyle) et créer des gabarits par exemple. Mais aussi tous les autres appareils qui accompagnent la création de son art au quotidien. Je découvre ses pigments, ses pinceaux, ses outils et bien sûr, les verres de différentes couleurs qu’elle transforme.

Et parce qu’avec le verre, on ne fait pas que des récipients pour boire, des vitraux et des fenêtres, je découvre les bijoux qu’elle crée, les plateaux, les décorations en tous genres, etc. Elle me parle de leurs histoires, de l’idée à la création. Comme cette main posée en vitrine, la sienne, moulée dans le verre; idée qu’elle a eu en regardant « La famille Addams ».

Elle me montre alors comment elle crée la pièce principale de ses colliers, une boule de verre. On enfile nos lunettes pour y voir clair à travers la flamme et les bâtons (un vert, un jaune) se transforment sous mes yeux. Le verre en fusion est une image assez captivante ; déjà parce que c’est rare d’en voir, mais aussi parce que le solide qui devient liquide est aussi fascinant que reposant. Et que dire de ses couleurs vives et chaleureuses qui changent de tons chaque seconde, pendant qu’ Anaëlle donne littéralement vie à ces bâtons. Et pour la forme … Elle souffle le verre avec minutie!

Il est temps de laisser cette petite œuvre au four. Elle m’explique alors la technique du sablage et me montre ses peintures sur verre en décalquant un modèle imprimé et toutes les techniques qui vont avec pour obtenir des effets différents avec la panoplie de pinceaux à sa disposition. Elle me confie comment rattraper une petite erreur, quelles matières laissent passer la lumière ou au contraire sont opaques, etc. Quel plaisir de découvrir autant de choses !

On parle de ses inspirations, de Tim Burton au médiéval en passant par Alice aux pays des merveilles et tout ce qui l’entoure. On parle de son parcours aussi. L’artisanat n’était pas inconnu dans sa famille, mais elle a essayé d’autres choses loin du monde artistique, sans grande réussite. Le cœur n’y était pas. Elle a alors creusé son envie de créativité, de suivre un projet de A à Z, du dessin aux détails de fin, avec le plaisir de toucher la matière et le verre s’est imposé comme une évidence en cours de route. Vivre de sa passion par contre, beaucoup moins évident … L’obligation d’avoir un job alimentaire parfois et les difficultés du statut auto-entrepreneur, parce que les gens ne veulent plus beaucoup dépenser pour la qualité. Le « Made in China » prime, tout le monde s’est habitué à des objets qui ont une courte vie, peu de détails, des défauts ici et là et aucune âme car ils sont créés à la chaîne. Les différences entre ce qu’on trouve en grande distribution ou dans l’atelier d’un artisan sont pourtant flagrantes mais quand certains ne peuvent juste pas se le permettre bien sûr, d’autres n’y portent juste plus attention. Je ne vous apprends rien si je vous dis que les personnes qui veulent tout pour rien courent les rues.

Quant aux entreprises qui font appel à ses talents, sans faire de généralités (il y a toujours des exceptions, heureusement), ils payent souvent très peu et multiplient par trois le montant à la revente pour profiter d’une belle marge de bénéfice. Mais forcément, plus le prix est élevé à la création, plus il sera gros dans les rayons et difficile à vendre au grand public. Alors on demande aux artistes de réduire les coûts, et si ils pouvaient travailler gratuitement évidemment … Face à ces hauts et ces bas, on papote de l’importance du soutien familial, même si ils ont peur de l’incertitude que poursuivre ce rêve représente et la difficulté d’en vivre (ce qui n’est toujours pas le cas à l’heure actuelle pour elle, malheureusement), elle peut compter sur ses proches.

En 2015, elle a reçu le titre de « Meilleur Ouvrier de France » dans la catégorie vitraux d’art après un investissement de temps et d’argent pour les matériaux. Une aventure à laquelle elle a pris part un peu par hasard, sur les conseils d’une amie. Comme quoi, il faut oser, prendre des risques, essayer … Si on travaille pour ce que l’on veut, tout peut arriver, même quand on ne s’y attend pas. Qui ne tente rien n’a rien comme on dit et Anäelle en est un bel exemple.

On se dirige ensuite vers son vitrail de Yoda. Oui oui, un vitrail Star Wars ! Parce qu’elle adore l’univers créé par George Lucas et veut en même temps rajeunir l’image qu’on a des vitraux, elle s’est lancé dans ce projet original. J’observe alors tous les détails : impressionnant ! Un mois complet de travail (sans rémunération vu que c’est un projet personnel) où chaque forme a été pensé minutieusement à l’étape du dessin, pour trouver comment utiliser certains éléments de l’univers de science-fiction sur cette oeuvre. Et elle a même travaillé le bois pour fabriquer un caisson, une technique qu’elle ne maîtrise pas particulièrement, mais comme c’est une vraie touche à tout pour réaliser ses projets … (Anaëlle si tu passes par là, ne t’en fais pas, je ne raconterai pas que tu as cloué le caisson au plan de travail en te trompant de longueur de clou!) Et oui, c’est comme ça qu’on apprend 😀

©Anaëlle Pann

Forcément, tant d’originalité attire l’attention. Avouez, lecteurs et lectrices, en plus d’être superbe, ce vitrail est surprenant non ? Yoda dans un vitrail … Ça tombe bien, parce qu’on a plus beaucoup de temps pour attirer l’attention sur cet art qui se perd et des artistes comme Anaëlle, il y en a encore, mais de moins en moins. Petit à petit, les écoles ferment aux quatre coins de la planète et c’est pas comme si on pouvait prévoir une grande exposition sur l’extinction des vitraillistes dans 50 ans (prenez garde les dinosaures, la concurrence débarque!) mais ce serait grandement dommage de voir un tel savoir-faire disparaître, non ?

Du coup, si on pouvait tous collaborer à notre échelle pour apprendre aux gens qui nous entourent que les vitraux, et le verre, c’est plus épatant que ce qu’on ne croit, en plus d’avoir l’air cool en faisant découvrir de belles choses, on mettrait en lumière une profession de passionnés talentueux qui n’ont pas la visibilité qu’ils méritent. Vachement tentant ! Vous me suivez ?

On fini par discuter de nos grands âges, du temps qui passe, d’anecdotes en tous genres et bien plus encore, et avant de se quitter, on sort notre boule en verre du four. Après un petit refroidissement rapide, elle me la tend « Touche, c’est encore chaud, j’adore ça ! » Effectivement, un petit sentiment de travail accompli (oui, vous avez raison, je vous entends d’ici, c’est vrai que je n’ai rien fait dans l’histoire moi mais je l’ai vue naître devant mes yeux, ça compte, j’ai une connexion émotionnelle).

Et après avoir passé une excellente après-midi en sa compagnie, elle me dit au revoir en citant son ami Igor Petroff (également artiste, et propriétaire de l’atelier) : « On est jamais à l’abri d’un coup de chance ». C’est ce que je nous souhaite à tous !

Découvrez le travail d’Anaëlle (dont ses superbes bijoux) sur sa page Facebook. Si vous passez par Paris, rendez-vous à l’atelier Lengaï au 20 rue Montbrun 75014. Et au musée des arts et métiers, toujours dans la capitale, il y a une exposition sur les meilleurs ouvriers de France jusqu’au 5 novembre 2017 où vous pourrez admirer une de ses créations.

6 Commentaires

  • Jenny
    14 juin 2017 à 22 h 21 min

    C’est super beau ce qu’elle fait, merci pour la découverte

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  • Elodie (lebonheurestdanslanature.fr)
    25 juin 2017 à 16 h 41 min

    Wouahhhh c’est incroyable !!!! merci beaucoup pour la découverte ! C’est un vrai coup de coeur. Tu m’étonnes qu’elle fasse partie des Meilleurs Ouvriers de France. Bises. Elodie.

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    • Mimelia
      27 juin 2017 à 11 h 06 min

      Quel plaisir de lire cela 😀 Je suis ravie de t’avoir fait découvrir cette artiste ! Bises, Mimelia.

      Réponse
  • Laeticia
    27 juin 2017 à 10 h 49 min

    Waw, cette artiste est très talentueuse. Super article !

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